Quelle réglementation pour la gestion des eaux pluviales ?
La gestion des eaux pluviales est encadrée par des lois et des outils réglementaires s'appliquant à des échelles différentes. Elle relève à la fois :
- de textes de portée nationale ou européenne, fixant des objectifs généraux en matière de protection de la ressource en eau ;
- d'outils de planification et de gestion des eaux intégrant des orientations à l’échelle d’unités hydrographiques cohérentes ;
- de documents de portée plus locale introduisant des prescriptions parfois très précises sur ses modalités de mise en œuvre.
Les eaux pluviales sont partout et influencées par tout
Au niveau européen
De nombreuses directives européennes concernent la gestion globale de l’eau mais deux d’entre-elles sont en lien la gestion des eaux pluviales :
la Directive Cadre sur l'Eau (DCE) fixe une méthode de travail, des principes et des objectifs pour la préservation et la restauration de l’état des eaux superficielles et souterraines. Elle fixe un « objectif de résultat » qui est « d’atteindre le bon état des cours d’eau ». Une bonne gestion des eaux pluviales peut contribuer à la non dégradation des ressources et des milieux et ainsi à l’atteinte d’un bon état des masses d’eau.
la Directive Eaux Résiduaires Urbaines (DERU) établit des obligations en matière de collecte et de traitement des eaux pluviales lorsqu’elles sont dirigées vers un système de collecte unitaire (eaux usées et eaux pluviales mélangées).
Au niveau national
Aujourd'hui, la gestion des eaux pluviales, qui relève à la fois d'enjeux de maîtrise du ruissellement et de préservation des milieux récepteurs, est principalement encadrée par le Code de l'Environnement, mais est également abordée dans différents codes : le Code de l'Urbanisme, le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), le Code Civil, le Code Rural et le Code de la Santé Publique.
Il est important de noter que le Code Civil, rédigé en 1804 et qui régit les relations entre acteurs sur leur propriété, contient, à son article 640, l’interdiction d’aggraver les débits et volumes d’eaux pluviales.
Code de l’Environnement
Le code de l’environnement encadre les impacts des activités et ouvrages sur la qualité et le fonctionnement du cycle de l’eau.
Pour vous aider à prendre en compte la réglementation environnementale dans les projets d’aménagement et de construction, consultez le site EnvErgo
Pour assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, telle que prévue à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, le législateur a soumis les installations, ouvrages, travaux ou activités (IOTA) à autorisation environnementale (Art. L.214-3) pour les opérations susceptibles de :
Présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique,
Nuire au libre écoulement des eaux,
Réduire la ressource en eaux,
Accroître notablement le risque d'inondation,
Porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique.
Les IOTA ne présentant pas ces dangers sont soumis à déclaration. Ils doivent néanmoins respecter les règles générales de préservation de la qualité et de la répartition des eaux superficielles, souterraines et des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, édictées en application de l'article L.211-2.
En particulier les rejets d’eaux pluviales sont visés par la rubrique 2.1.5.0 :
« Rejet d’eaux pluviales dans les eaux douces superficielles ou sur le sol ou dans le sous-sol, la surface totale du projet, augmentée de la surface correspondant à la partie du bassin naturel dont les écoulements sont interceptés par le projet, étant :
Supérieure ou égale à 20 ha : (A) projet soumis à autorisation
Supérieure à 1 ha mais inférieure à 20 ha : (D) projet soumis à déclaration
Code de l’Urbanisme
Le code de l’urbanisme à travers l’article L 421-6, ainsi que les règlements locaux d’urbanisme, permettent d’imposer des prescriptions en matière de gestion des eaux pluviales, voire de refuser une demande de permis de construire ou d’autorisation de lotir en cas d’insuffisance du projet en la matière.
Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT)
Le code général des collectivités territoriales définit et répartit les compétences entre les différentes collectivités (articles L2226-1 et L2226-2).
L’article L2224-10 du CGCT impose aux collectivités compétentes de délimiter des zones où des mesures doivent être prises pour limiter l’imperméabilisation des sols et réduire le risque inondation ainsi que la pollution véhiculée par les eaux pluviales au milieu aquatique.
Code Civil
Le code civil définit les droits et obligations des propriétaires fonciers à l’égard des eaux qui découlent naturellement de leurs terrains (amont et aval).
Au titre du Code Civil, et spécifiquement de ses articles articles 640, 641 et 681, il est interdit, a minima sans établissement d’une servitude voire compensation financière, d’augmenter les volumes et débits des rejets d’eaux pluviales. Il indique également que tout propriétaire du sol est propriétaire, donc responsable, de l’eau qui y précipite.
Ainsi, ces articles imposent par principe la compensation pérenne des aménagements qui modifient le cycle naturel de l’eau et s’appliquent à toutes les surfaces privées et publiques.
Code de la Santé Publique
Le code de la santé publique (article L1331-1) donne la possibilité aux communes de fixer des prescriptions techniques pour la réalisation des raccordements d’immeubles aux réseaux publics de collecte des eaux usées et/ou des eaux pluviales. Il est la base juridique qui permet aux collectivités d’établir leur Règlement de Service d’Assainissement (RSA).
Les outils de planification
La planification joue un rôle très important, non seulement pour éviter les nouvelles artificialisations des sols mais aussi pour inciter à désimperméabiliser. Ci-dessous sont présentés les principaux documents de planification concernant les eaux pluviales, ainsi que les interactions qui les lient.
Les SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux)
Les Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) fixent, pour six ans, les grandes orientations d’une gestion équilibrée de la ressource en eau et les objectifs à atteindre en termes de quantité et de qualité des eaux à l’échelle de grands bassins hydrographiques.
Établis pour chaque bassin de la France métropolitaine et d'outre-mer, la majorité d’entre eux intègrent dans leurs orientations les objectifs de gestion durable des eaux pluviales et de désimperméabilisation.
Aujourd’hui, cet objectif conditionne souvent l’obtention de subventions des agences de l’eau et est pris en compte dans le cadre des dossiers loi sur l’eau.
Les SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux)
Les Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) correspondent à des déclinaisons des SDAGE à l’échelle d’unités hydrographiques cohérentes (bassins versant superficiels ou masses d'eau souterraines). Pour connaître l’état d’avancement des SAGE, vous pouvez consulter la carte de situation des SAGE.
Ils peuvent contribuer à la lutte contre l’imperméabilisation des sols au travers du plan d’aménagement et de gestion durable (PAGD), qui comprend notamment la définition des objectifs en termes de gestion équilibrée de la ressource et des moyens pour les atteindre. Leur règlement est opposable.
Les documents d'urbanisme portant sur le périmètre d'un SAGE doivent être compatibles avec ses dispositions.
Les SRADDET (Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires)
Les SRADDET sont élaborés par les régions (hors Île-de-France), Outre-mer et Corse. Ils constituent le le document-cadre de la planification régionale en matière d'aménagement du territoire. Ils peuvent agir favorablement pour une gestion durable des eaux pluviales dans les projets de renouvellement urbain, d’extension urbaine ou la réalisation d’infrastructures de transport, en fixant des objectifs sur le moyen et long terme, sur les thématiques d’équilibre du territoire, la gestion économe de l’espace, la lutte contre le changement climatique, la protection et la restauration de la biodiversité.
Les documents d’urbanisme doivent être mis en compatibilité lors de leur révision.
Les SCoT (Schéma de Cohérence Territoriale)
Le schéma de cohérence territoriale (SCoT) est un document d'urbanisme qui, à l'échelle d'un territoire de projet ou bassin de vie (périmètre intercommunal ou au-delà), détermine l'organisation spatiale et les grandes orientations de développement d'un territoire.
Il doit être compatible avec les orientations fondamentales du SDAGE.
Le SCoT peut notamment prescrire de limiter l’imperméabilisation des sols et l’occupation des espaces utiles à l’écoulement des eaux, identifier les secteurs sensibles au ruissellement urbain, préconiser la réalisation d’un schéma directeur de gestion des eaux pluviales (SDGEP), rappeler la nécessité de déploiement du zonage pluvial et de son intégration dans le PLU(i), établir la cartographie des zones potentiellement désimperméabilisables à l’échelle du SCoT et des communes membres …
Les PLU (Plan Locaux d’Urbanisme)
Le plan local d'urbanisme est un document d'urbanisme, communal (PLU) ou intercommunal (PLUi), qui détermine les conditions d'aménagement et d'utilisation des sols. En l’absence de SCoT, le PLUi / PLU doit être compatible avec les orientations fondamentales du SDAGE.
Le PLU(i) peut contenir des éléments relatifs à la gestion des eaux pluviales notamment dans son réglement ou en annexe.
Article du Code de l’Urbanisme | Objet de l’article |
Prévoit la possibilité d'intégrer les zones L2224-10 CGCT dans le règlement du PLU | |
Le règlement peut imposer des installations nécessaires à la gestion des eaux pluviales | |
Le règlement peut fixer pour limiter le risque de ruissellement des conditions pour limiter l'imperméabilisation en lien avec le zonage pluvial | |
Le zonage pluvial figure dans l'annexe du PLU |
Au niveau local
Le service public de gestion des eaux pluviales urbaines (GEPU) est un service public administratif (SPA) et, à ce titre, il est financé par le contribuable et non l’usager (contrairement au service public de l’assainissement). Ses missions couvrent la collecte, le transport, le stockage et le traitement des eaux pluviales des aires urbaines, c’est à dire des eaux qui s’écoulent en surface et qui sont prises en charge dans les zones urbaines ou à urbaniser.
La compétence « gestion des eaux pluviales urbaines» (GEPU)
L'exercice de cette compétence GEPU est différencié en fonction de la nature de l’Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) : métropoles, communautés urbaines, d'agglomération et de communes.
Le transfert de compétences eau et/ou assainissement des communes aux communautés d’agglomération et communautés de communes est encadré par la loi Notre du 7 août 2015 et la « loi Ferrand » du 3 août 2018 . Ainsi, les autorités compétentes en matière de gestion des eaux pluviales urbaines sont les suivantes :
La loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes a repoussé, sous conditions, au 1er janvier 2026 le transfert obligatoire, prévu par la loi NOTRe au 1er janvier 2020, des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes.
La structure compétente en matière de gestion des eaux pluviales dispose notamment de deux outils pour mettre en œuvre sa politique : le schéma directeur de gestion des eaux pluviales et le zonage pluvial.
Le SDGEP (Schéma Directeur de Gestion des Eaux Pluviales)
Le schéma directeur de gestion des eaux pluviales permet de développer une stratégie de gestion des eaux pluviales et de programmation des travaux nécessaires en la matière. Il peut constituer un cadre privilégié pour les collectivités en vue de la régularisation des rejets pluviaux existants auprès des services de l’eau.
Le Zonage Pluvial
Le zonage pluvial est le principal outil technique et juridique qui permet aux collectivités de formaliser leurs politiques de gestion des eaux pluviales et du ruissellement qui peut être intégré dans les documents d’urbanisme. Il permet de poser des prescriptions dans certaines zones pour favoriser la gestion des eaux pluviales à la source, à la parcelle, au plus près de là où elle tombe.
Il a pour objet de délimiter (Article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales ) :
- les zones où des mesures visant à limiter l’imperméabilisation des sols et à assurer la maîtrise du débit, de l’écoulement des eaux pluviales et du ruissellement doivent être prises ;
- les zones où il est nécessaire de prévoir des installations pour assurer la collecte, le stockage éventuel et, en tant que de besoin, le traitement des eaux pluviales et de ruissellement lorsque la pollution qu'elles apportent au milieu aquatique risque de nuire gravement à l'efficacité des dispositifs d'assainissement.
Le zonage pluvial devient opposable après enquête publique et délibération de la collectivité compétente. Il peut être annexé voire transcrit dans le règlement du PLU pour s’imposer aux autorisations d’urbanisme.
Afin de faciliter l'instruction des autorisations d'urbanisme et la prise en compte des règles du zonage pluvial dans ces documents, il est important que les PLU intègrent ces zonages dans leur règlement. Dans tous les cas, le code de l'urbanisme prévoit que les zonages existants ou en cours de réalisation, soient annexés au PLU. ( https://questions.assemblee-nationale.fr/q16/16-5646QE.htm)